Appel à communications : Histoire de l’édition : problématiques et enjeux des partages disciplinaires (XVIe-XVIIIe siècles)

3e Colloque international du CIREM 16/18 (Centre interuniversitaire de recherche sur la première modernité) organisé par Sophie Abdela, Maxime Cartron et Nicholas Dion

20-22 octobre 2021, Québec

Dans un article de 1996, Jean-Yves Mollier définissait l’histoire de l’édition comme un « carrefour de disciplines1 » et l’envisageait plus particulièrement sous l’angle de l’histoire économique, de l’histoire sociale et de l’histoire culturelle, tout en refusant de  l’y réduire, en raison de sa « vocation globalisante2 ». De ce point de vue, il est légitime de l’utiliserà la fois comme champ d’investigation et comme observatoire, afin notamment d’explorer d’autres méthodologieset d’autres manières d’écrire l’histoire des disciplines intellectuelles. Ainsi en va-t-il de l’étude des rapports de l’histoire de l’édition et de l’histoire littéraire, surtout si l’on considère avec Alain Viala que « faire l’histoire de la littérature, c’est faire l’histoire d’un objet variable et contingent. Ce ne peut donc être que faire l’histoire de ces variations, de leurs modalités, de leurs implications3 ». La remarque, du reste, vaut également pour l’histoire des concepts, l’histoire des idées ou encore l’histoire de l’art et l’histoire culturelle : en suivant cette perspective, on constate que le recours à l’histoire de l’édition s’impose de lui-même, puisque pendant la première modernité, les textes et les oeuvres sont très souvent instables. Il importe dès lors de les appréhender dans leur matérialité. Cependant, des résistances rendent compte d’une disjonction entre les méthodes et les objectifs de ces deux moyens de concevoir des objets de recherche qui, par là, sont jugés immiscibles4. Le présent colloque voudrait donc revenir sur les raisons et les implications, principalement historiques et idéologiques, de tels partages disciplinaires5, en approfondissant la question suivante : qu’avons-nous à gagner en pensant conjointement, et dans le cadre intellectuel spécifique des XVIe-XVIIIe siècles, histoire de l’édition et histoire des disciplines intellectuelles ? Dans ce but, trois directions retiendront notre attention :  

Généalogies et héritages : quelle place pour l’histoire de l’édition dans l’histoire de la littérature/de la philosophie/des mentalités/de l’art (etc.) ? Comment ces dernières ont-elles perçu et perçoivent-elles celle-ci ? On s’intéressera aux usages de l’histoire de l’édition chez les historiens des disciplines intellectuelles : entre occultation, caution négligée, réservoir d’idées et d’informations ou véritable science auxiliaire, son statut ambigu n’en fait-elle pas l’un des grands refoulés d’une certaine historiographie constituée comme discipline globale ? Réciproquement, on pourra interroger les représentations de l’histoire des diverses disciplines intellectuelles relatives aux sciences humaines chez les historiens de l’édition : quelle place lui réserver et quel traitement lui accorder ? Est-elle un obstacle ou un atout ? Plus généralement,l’historien de l’édition et l’historien de la  littérature/de la philosophie/des idées/de l’art (etc.) ont-ils des gestes et des objectifs en commun ?

Interactions et interférences : par quelles éditions les textes des XVIe-XVIIIe siècles adviennent-ils à l’histoire littéraire/culturelle/des concepts (etc.) ? Comment travaillent les historiographes, à partir de quelles matérialités (premières ou dernières éditions, rééditions, recueils factices, anthologies, oeuvres complètes…) ? Sur quelles versions spécifiques des textes fondent-ils leurs analyses et leurs interprétations ? Opèrent-ils un véritable travail de génétique éditoriale prenant en compte les variantes typographiques d’un exemplaire à l’autre, les modifications de l’appareil paratextuel, les erreurs d’impression et, plus largement, les accidents de la publication, ou sont-ils tributaires d’une conception essentialiste du texte et de l’oeuvre ?  

Méthodes : de quelles manières le monde de l’édition conditionne-t-il, par son agentivité, l’histoire des disciplines? Par quels moyens sortir de l’emprise hégémonique de la figure auctoriale et rendre compte des interventions des intermédiaires de la publication, dans la perspective d’une histoire du fait intellectuel ? Est-il possible d’écrire avec l’histoire de l’édition une histoire des disciplines qui serait une histoire de la lecture des textes de la première modernité ? Comment traiter, en somme, les « modalités de publication, de dissémination et d’appropriation des textes6 » en historien des pratiques inhérentes à certains champs disciplinaires ? En 2010, Alain Vaillant écrivait que « le chemin est encore long pour constituer une génétique historique qui situerait les écritures littéraires singulières au sein d’une histoire globale de l’écriture englobant toutes les contraintes sociales, économiques et matérielles qui pèsent sur elle7 ».

En étendant ce questionnement à l’histoire, à la philosophie et à l’histoire de l’art, nous proposons d’apporter quelques réponses à cette question : où en sommes-nous exactement aujourd’hui ?

Les communications devront être prévues pour une durée de 30 minutes. Les propositions (Word ou PDF) doivent contenir le titre de la communication, un résumé de 150 mots ainsi que le nom, l’adresse électronique, le statut académique et l’affiliation institutionnelle du présentateur. Veuillez, s’il vous plaît, les faire parvenir simultanément aux trois organisateurs :

Sophie Abdela : sophie.abdela@usherbrooke.ca

Maxime Cartron : cartron.maxime@gmail.com

Nicholas Dion : nicholas.dion@usherbrooke.ca

 

Date limite de soumission des propositions : 15 mars 2021.

 

1. Jean-Yves Mollier, « L’histoire de l’édition : une histoire à vocation globalisante », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, no 43-2, 1996, p. 348. Voir aussi Robert Darnton, « Qu’est-ce que l’histoire du livre ? », dans Gens de lettres, gens du livre, trad. Marie-Alyx Revellat, Paris, Odile Jacob, « Histoire », 1992.

2. Jean-Yves Mollier, « L’histoire de l’édition », art. cité, p. 348.

3. Alain Viala, « L’histoire des institutions littéraires », dans Henri Béhar et Roger Fayolle (dir.), L’Histoire littéraire aujourd’hui, Paris, Armand Colin, 1990, p. 118.

4. On pense bien sûr au premier chef à ces mots d’Henri-Jean Martin : « des historiens “littéraires” peuvent encore disserter à longueur de journée sur leurs auteurs sans se poser les mille problèmes de l’impression, de la publication, de la rémunération, du tirage, de la clandestinité, etc., qui feraient descendre leurs travaux du ciel sur la terre » (« Histoire du livre et bibliologie », 1993, cité par François Bessire, « Penser livre », dans Luc Fraisse (dir.), L’Histoire littéraire à l’aube du XXIe siècle. Controverses et consensus, Paris, PUF, 2005, p. 231).

5. « Partage doit être entendu en deux sens corrélatifs : 1. les divisions entre les disciplines, les frontières de leurs déterminations ; 2. l’échange des savoirs, ce qui circule, ce qui se transmet, s’expose, passe d’un à l’autre, d’où l’importance du pôle de la vulgarisation » (Jacques Neefs, « La littérature et le partage des disciplines », Que pense la littérature ? La littérature entre les savoirs, Montréal, Paragraphes, 1992, p. 81). Selon Nathalie Kremer « l’identité – et dès lors le partage – des disciplines ne correspond pas toujours à une réalité empirique, mais […] elle forme plutôt une structure historiquement constituée et politiquement conditionnée » (« La littérature en mal de discipline ? », Fabula-LhT, n° 8, « Le Partage des disciplines » , mai 2011, http://www.fabula.org/lht/8/kremer.html).

6. Roger Chartier, L’OEuvre, l’Atelier et la Scène. Trois études de mobilité textuelle, Paris, Classiques Garnier, « Fonds Paul-Zumthor » , 2014, p. 15.

7. Alain Vaillant, L’Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, « U », 2010, p. 178.