Appel à contributionns : Travaux de littérature, n° XXXIV : "Littérature et jardins"

Le jardin n’est pas seulement un thème présent dans la littérature depuis l’Antiquité, il engage également la conception anthropologique de la nature et de sa place dans la cité, tout en posant des questions stylistiques, en lien avec l’art pictural. C’est à cette fécondité tant philosophique et mythologique que proprement littéraire que voudrait s’attacher le présent numéro des Travaux de littérature. 

Il n’y a pas un jardin idéal. Deux modèles se dégagent, et dessinent des sensibilités opposées. D’un côté le jardin comme microcosme d’une nature cultivée, prolifique et doucement apprivoisée, voire domestiquée quand l’homme imprime sa marque dans des linéarités non naturelles (le fameux jardin à la française), et qui peut donc paraître tyrannisée, en un renversement du modèle – ainsi de Louis XIV dont l’hybris a conduit à « tyranniser la nature » à Versailles, comble du « mauvais goût » (Saint-Simon). S’impose alors, de l’autre côté, l’idéal d’un jardin où « la main du jardinier » (La Nouvelle Héloïse) ne se voit pas. Ce jardin romantique se fait volontiers lieu « inculte » ou « sauvage » (selon les termes du chapitre « Foliis ac frondibus » des Misérables).

À cette opposition s’en ajoute une autre entre la clôture (selon l’étymologie même du terme) du jardin et son éventuelle ouverture – on reconnaît le modèle du jardin anglais, qui tend à se confondre avec le paysage (landscape gardening). Que le jardin soit prolifique ou qu’il soit inculte voire à l’abandon, lorsqu’il est clos, il réactive régulièrement le souvenir de l’âge d’or et rejoue, innocemment ou tragiquement (le Paradou de La Faute de l’abbé Mouret), l’éden et son exclusion.

Enfin, le jardin est souvent le lieu de la nature dans la cité  : ses fonctions sont alors diverses, du parc d’agrément au conservatoire des espèces végétales. Le jardin ressortit ainsi plus globalement à une politique architecturale et urbaine. 

Ces conceptions différentes voire opposées ont donné lieu à des classifications en différents types de jardins (selon le modèle des monastères d’abord, hortulus, pomarius etc.) et plus généralement à des « arts des jardins » qui déclinent une véritable « grammaire du pittoresque », où le jardin écrit rivalise avec ses représentations picturales[1].

Car le jardin est aussi un topos du discours, qui met en œuvre une séquence descriptive traversée par des régulations rhétoriques (locus amoenus) ou animée par un sincère désir de mimèsis. Au-delà de ces procédés propres au « descriptif » (Ph. Hamon), et dont il peut d’ailleurs s’échapper par la narration d’une « promenade »[2], le jardin fait jouer une problématique générique, et selon son lieu d’apparition, se prête à des jeux littéraires différents – poésie bucolique, roman sentimental où il entraîne des scènes topiques (rendez-vous & baisers).

Selon le cahier des charges de la revue, les contributions devront prendre pour objet la littérature francophone, du Moyen Âge à aujourd’hui. Les travaux pourront, à la faveur de ce thème, privilégier les analyses au croisement des disciplines (philosophie, histoire, histoire de l’art notamment). 

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Les propositions sont à adresser à Aude Déruelle (aude.deruelle@univ-orleans.fr) avant le 15 novembre 2020.

Dans le cas où la proposition est retenue, l’article sera à remettre impérativement avant le 15 juin 2021.

 

[1] Voir, de Sophie Lefay, L’Invention du jardin romantique en France 1761-1808 (Éditions Spiralinthe, 2001).

[2] Voir les travaux de Philippe Antoine et notamment le numéro XXVIII des Travaux de littérature, Écrire la promenade (2015).