Appel à contributions : Sur la narration. Dispositifs rhétoriques dans les récits insérés XVe-XVIIIe s. (​Revue Exercices de rhétorique)

Sous la direction de Pascale Mounier

Appel à contributions

La notion de « narration » recouvre différentes réalités dans la tradition théorique qui va de l’Antiquité à l’époque moderne. La narratio qui prend place dans le cadre de la défense d’une cause désigne l’art de raconter habilement la vérité. Il s’agit pour le rhéteur d’une partie du discours, située entre l’exorde et la réfutation, qui consiste dans l’exposé des faits. La narratio qui porte sur des faits fictifs a à voir pour le poéticien avec la construction d’une intrigue. Elle relève de la mimèsis, c’est-à-dire de l’art de produire une image cohérente du réel. Les deux types de narrationes diffèrent dans leur nature, leur amplitude et leur finalité. Elles possèdent pourtant des traits communs, qui font que les formes de discours solennels et les textes littéraires peuvent exploiter respectivement des procédures de l’une ou de l’autre. L’orateur a en effet recours à l’art du conteur s’il veut que les informations qu’il donne aux juges et à l’auditoire réussissent à passer pour vraies. Le poète sélectionne et agence pour sa part les éléments qu’il invente de façon à ce que la représentation touche moralement ou émotionnellement le lecteur.

Nous souhaitons envisager le cas où une fiction produite du XVe au XVIIIe siècle intègre une narration mobilisant des dispositifs rhétoriques. L’idée est de repérer des séquences textuelles assumées par un personnage qui ont pour but plus ou moins explicite de soutenir une démonstration. Le personnage rapporte les faits, qui peuvent appartenir ou non à l’action principale, en construisant une approche orientée des caractères, des intentions et du discours des protagonistes. Il construit aussi un point de vue dans sa manière de mettre en relation les faits. Il s’agit ainsi de déceler les modalités et les enjeux de la production d’une narration intelligible, efficace et intéressante au sein d’une œuvre mimétique. Pour arriver à dégager des procédures spécifiques malgré le large empan chronologique retenu, nous invitons à limiter l’enquête aux fictions narratives, autrement dit à centrer l’analyse sur le roman ou l’épopée, voire sur la nouvelle ou la fable si des exemples pertinents se présentent.

Quelques questions peuvent se poser à l’occasion de l’examen d’une ou de plusieurs narrations présentes dans la fiction retenue :

— le mode d’insertion de la narration : le discours du personnage peut être rapporté de différentes manières ; le destinataire est un autre ou d’autres personnages, éventuellement le lecteur ; l’interruption de l’avancée de l’action a plus ou moins de visibilité selon la présence de marqueurs (énonciatifs, typographiques, métriques)

— le rapport entre la narration et la fiction dans son ensemble : les faits ou la situation évoqués appartiennent ou non à l’action principale ; s’ils y appartiennent, ils sont concomitants, antérieurs ou postérieurs au moment de l’action où la narration est introduite et la construction de l’intrigue s’en ressent (ordre naturel ou artificiel) ; s’ils n’y appartiennent pas, ils apportent un éclairage indirect sur l’action principale

— la recherche de l’efficacité rhétorique et de la persuasion : l’exposé des faits respecte tout ou partie des règles de la narration oratoire (clarté, brièveté, vraisemblance) ; la présentation des circonstances et des caractères et l’agencement des faits tendent à défendre une cause ; le discours vise à agir sur la raison ou les sentiments du destinataire ; la représentation des faits peut donner l’illusion du vrai dans un but émotionnel (evidentia).

*

Les contributions prendront place dans un numéro thématique de la revue Exercices de rhétorique, destiné à paraître fin 2021. Elles peuvent prendre la forme, conformément aux habitudes de la revue, d’un article (partie « Dossier ») ou d’une étude de texte (partie « Analyse d’un discours »). Elles sont attendues pour le 1er mai 2021 au plus tard.

Les propositions (titre et résumé provisoire de 5 à 10 lignes) peuvent être adressées jusqu’au 15 septembre 2020.

Contact : mounier.pascale@wanadoo.fr.

 

Pistes bibliographiques

 

Sources

Rhetorica ad Herennium, I, 12-16.

Cicéron, De inventione, I, 27-30 ; De oratore, II, 80-83 ; II, 326-380 ; Cicéron, Partitiones oratoriæ, 31-32.

Quintilien, Institutio oratoria, IV, 2.

 

Critique

Christine Noille, « Narratio / narration ? La rhétorique et la langue française », in Les intraduisibles du vocabulaire critique (XVIe–XVIIIe siècle), Littératures classiques, n° 96, 2018, p. 85-97.

Marie Formarier, « La narratio chez Cicéron doit-elle être brève pour persuader ? », Interférences (http://journals.openedition.org/interferences/6007), n° 10, 2018.