Appel à communications: La Prison : expériences, imaginaires et créations

Université de Sfax, 25-26-27 octobre 2018

Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax

Colloque International du Département de Français

 

PRESENTATION

Notre proposition part d’un constat, celui d’un décalage entre, d’une part, la présence considérable de la prison et de ses différents avatars dans la production littéraire et artistique et, d’autre part, le nombre assez limité des études consacrées au sujet. Ce constat en cache un autre, plus précis : la plupart des travaux ayant abordé le motif de la prison, du moins en littérature, l’ont fait généralement de manière thématique, dans le sillage de l’ouvrage fondamental de Victor Brombert, La Prison romantique, centré sur les structures de l’imaginaire et inspiré par les études fondatrices de Gaston Bachelard et de Gilbert Durand.

Il s’agirait, dans le cadre de ce colloque, de traiter, non pas exclusivement le thème littéraire de la prison, mais plutôt la question de la prison. Car la prison pose véritablement question et se révèle un objet d’étude fondamentalement complexe et problématique, situé au carrefour de plusieurs domaines de la pensée (littérature, arts, mais aussi histoire, sociologie et philosophie), et par là même susceptible d’être appréhendé sous plusieurs angles d’attaque.

Une réflexion, prolongeant d’une certaine manière le travail de Victor Brombert, pourrait s’articuler autour des différents modes de représentation de la prison dans le champ littéraire et artistique, et analyser les multiples associations psychiques, imaginaires et existentielles qu’elle est à même de convoquer. Imprégnant souvent la manière dont le monde est perçu, la temporalité pénitentiaire a en effet ceci de particulier qu’elle situe le personnage en dehors du temps cyclique habituel, comme le montrent exemplairement La Métamorphose ou La Colonie pénitentiaire de Kafka.

L’état de réclusion peut altérer la perception du temps subjectif, contraindre la communication interpersonnelle, mettre à rude épreuve le corps et l’intimité, menacer l’intégrité morale et physique du sujet, mais il peut aussi, de manière assez paradoxale, favoriser et même déclencher l’acte de création, en confrontant le captif à une solitude à la fois douloureuse et féconde, et en ouvrant chez lui un regard autre, souvent réflexif et lucide, sur lui-même et sur le monde.

Une deuxième approche, portant essentiellement sur la sociopoétique de la prison, pourrait envisager la possibilité et l’intérêt d’une périodisation qui, tout en interrogeant la prégnance du paradigme de la prison au fil des siècles, essaierait, dans le sillage ouvert par les travaux de Michel Foucault et de Gilles Deleuze, d’avancer des hypothèses sur des liens significatifs entre les « aléas » de cette présence – son essor tout comme son déclin ou son éclipse périodiques – et l’existence d’une réalité historique, d’un discours idéologique ou d’une logique sociale de l’enfermement.

Serait aussi examinée complémentairement, sous cet angle, l’évolution de la perception de la prison, de la vision souvent romantique du XIXe siècle (que l’on pense à Hugo, Stendhal, Nerval ou encore Baudelaire) à la vision désenchantée ou, parfois, révoltée des productions contemporaines.

La prison, à travers ses nombreuses manifestations, pourra également être appréhendée dans une optique proprement métapoétique. L’analyse de la fonction symbolique et métaphorique des lieux de l’incarcération et de la claustration (le cachot, la geôle, la cellule, le bagne, le couvent, l’école, l’usine, la caserne, la maison close, l’asile, la résidence surveillée, le ghetto, les lieux de l’exil…) conduira nécessairement à l’exploration minutieuse de leur potentiel métapoétique.

Saisi ainsi dans une perspective de réflexivité ou de mise en abyme textuelle, le lieude l’enfermement pourra tour à tour renvoyer au psychisme du créateur, à la clôture (l’autonomie) de l’œuvre proprement dite, ou encore à la vocation ou à la définition même du créateur.

Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques pistes de réflexion peuvent être suggérées. Ces propositions, nullement restrictives, indiquent simplement des directions de recherche. La priorité sera donnée aux sujets originaux et aux questionnements nouveaux et pluridisciplinaires autour de la problématique de la prison :

  • Les imaginaires de la prison ou la prison à l’épreuve de l’expression littéraire et artistique : l’écriture et la production carcérales : formes, styles et ethos ; la prison entre « mythe » et réalité ; les distorsions de l’histoire et la fictionnalisation du vécu carcéral ; les postures, stratégies et scénographies auctoriales.
  • La prison, le social et le politique : l’institution carcérale, les stratégies de contrôle et les mécanismes du pouvoir et du contre-pouvoir ; la prison et la marginalité ; la prison comme microcosme social, laboratoire d’observations et terrain d’affrontement idéologique.
  • La prison et la création : quels rapports ? Créer en prison : contraintes de la réclusion et ingéniosité créatrice ; les « cris gravés » (Apollinaire) ; les supports d’expression picturale en milieu pénitentiaire (dessins, graffiti, tatouages…) ; les formes d’expression spontanées et brutes ; la création verbale : le jargon et l’argot de la prison ; les phénomènes linguistiques de cryptage, de dérivation, d’hybridation.
  • La prison, entre hantise, conjuration et devoir de mémoire : le témoignage et ses valeurs (réparatrice, historique et documentaire) ; le pouvoir du texte, de l’image, du dessin ; catharsis et sublimation ; les thérapies artistiques et les ateliers de création en milieu carcéral.
  • Les expériences de la prison : prison réelle, prison imaginaire, prison fantasmée ; les récits des camps et des prisonniers politiques ; l’appréhension de la temporalité et de la spatialité pénitentiaires ; le corps, l’intimité, la parole et l’identité en souffrance en milieu carcéral ; les détours et les stratagèmes de la communication carcérale.
  • La prison comme métaphore : avatars, figurations et expressions de l’enfermement au fil des siècles ; les nouvelles prisons « modernes » (la société, l’école, l’entreprise, l’administration, Internet, les réseaux sociaux, la télévision…).

 

COMMUNICATIONS

Les propositions de communications (titre, résumé – une vingtaine de lignes –, 5 mots clés) seront accompagnées d'une courte notice bibliographique et envoyées au plus tard le 10 juin 2018 à l'adresse suivante : prisonentouteslettres@gmail.com

30 juin 2018 : notification de la liste des communications acceptées.

Les textes définitifs devront être envoyés dans le mois suivant le colloque à la même adresse électronique.

 

COMITE SCIENTIFIQUE 

Mohamed BOUATTOUR (Université de Sfax)

Arbi DHIFAOUI (Université de Sfax)

Samia KASSAB CHARFI (Université de Tunis)

Kamel SKANDER (Université de Sfax)

Mustapha TRABELSI (Université de Sfax)

Dominique VIART (Université Paris X)

 

COMITE D'ORGANISATION 

Dorra ABIDA FEKI (Université de Sfax)

Sameh BEN LAKHAL (Université de Sfax)

Hafedh BEN ALI (Université de Sfax)

Ola BOUKADI (Université de Sfax)

Wafa ELLOUMI (Directrice du Département de Français, Université de Sfax)

Fatma FAKHFAKH (Université de Sfax)

Yamen FEKI (Université de Sfax)

Yosra FRIKHA (Université de Sfax)

Taïeb HAJ SASSI (Université de Sfax)

Makki REBAI et Kamel Skander (Coordinateurs du colloque, Université de Sfax)

 

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE : 

ARDOUREL CROISY (Marion), « Parler en prison au XIXe siècle : la parole enfermée, un enjeu de pouvoir », in Sarga Moussa (dir.), Le XIXe siècle et ses langues, Actes du Ve Congrès de la Société des Études Romantiques et Dix-neuviémistes, http://etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/wa_files/Langues-Ardourel.pdf

ARMAND (Jean-Michel), L’Argot des prisons, dictionnaire du jargon taulard et maton du bagne à nos jours, Paris, Horay, 2012.

BALANDIER (Franck), Les Prisons d’Apollinaire, Paris, L’Harmattan, 2001.

  • Des poètes derrière les barreaux, Paris, L’Harmattan, 2012.

BEGUIN (Albert), L’Âme romantique et le rêve, Paris, Corti, 1939.

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  • « Préface » à La Colonie pénitentiaire de Kafka, Fribourg, Librairie de l’Université de Fribourg, Paris, Egloff, 1945.

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  • « Le caricaturiste enfermé. L’histoire de la justice en France et les représentations iconographiques » in Pascal Dupuy (dir.), Histoire, images, imaginaire, Pise, Edizioni Plus, 2002, p. 147-163.