Appel à communications: Place et conscience du latin en français du Moyen Âge à nos jours

Paris Sorbonne, jeudi 7 et vendredi 8 juin 2018

Propositions: 10 novembre 2017

Organisé par les doctorants de l’EA 4509 Sens Texte Informatique Histoire

en partenariat avec le GEHLF et avec les soutiens de l’ED V,

de l’EA 4509 Sens Texte Informatique Histoire

et des associations de doctorants :

ALIS – Atelier de linguistique

Reverdie – Atelier de langue française médiévale

Styl’lab – Atelier de stylistique

Organisateurs : Oleg Averyanov, Yoan Boudes, Jean Cruchet et Adeline Sanchez

Ouverture à de nouvelles considérations et de nouvelles approches autour des rapports entre latin et français, ces deux jours seront l’occasion d’échanger et débattre autour des notions de place et de conscience du latin au sein de la langue française, dans une diachronie longue. Il s’agira donc de rendre compte de leurs échanges dynamiques tout au long de l’histoire du français. Loin de réduire le rapport des deux langues à celui d’une filiation (Kuentz, 1985), ce seront les enjeux posés par leurs interactions que nous privilégierons. C’est donc en prenant en considération les dimensions institutionnelle, pragmatique, rhétorique, grammaticale et lexicale, que la place du latin se doit d’être interrogée pour mieux en saisir l’infinie variation. Langue, savoir et signe (Waquet, 1998), le latin peut en effet mettre en jeu un système de valeurs d’usages, plus ou moins assumées par le français et ses locuteurs. Ainsi, cette présence variée de la langue latine nécessite-t-elle de s’interroger sur le degré de conscience induit dans le discours. Par des approches théoriques ou des études de cas, on cherchera à appréhender cette thématique en proposant des éléments de réponse à diverses questions.

Bien sûr, l’enjeu des rapports entre français et latin se pose tout d’abord dans une perspective linguistique, en interrogeant autant les phénomènes de bilinguisme, de coexistence entre les deux langues que celui de glissement de sens ou d’alignement syntaxique, dans la prise en compte de la diachronie. Ainsi, comment appréhender les mutations, les transferts et les cristallisations des éléments structurels du latin en français ? Peut-on identifier des notions ou catégories grammaticales motrices dans l’évolution d’un système à l’autre ? Est-ce que la référence consciente de la tradition grammaticale à l’autorité latine influence inconsciemment, au travers des descriptions qu’elle en propose, la structure de la langue française ? Comment réévaluer les enjeux et les conséquences de la relatinisation, indépendamment des motivations de ses acteurs ?

La question du français et du latin ne s’exprime cependant pas uniquement dans la diachronie, mais aussi dès le Moyen Âge, dans une situation de diglossie, dont il faut préciser la partition des domaines concernés, depuis les premières traductions en langue vernaculaire au Moyen Age au jeu avec le latin de la poésie moderne. Quels sont les limites et/ou les manifestations du bilinguisme dans les textes et dans la langue ? Quelles sont les conséquences de cette cohabitation sur l’évolution du français ou l’emploi du latin, dans leurs influences mutuelles ? La question doit-elle se poser en termes de communauté, de spécialité ou encore de compétence ? Et que pouvons-nous apprendre sur la conscience linguistique du lectorat ? Quel rôle jouent les jugements de valeurs sur ces deux langues ?

Les traductions d’une langue à l’autre sont par exemple un des témoins privilégiés d’une cohabitation entre latin et français, dans une mise en scène utilitaire ou esthétique particulière au sein du discours. Si la qualité de ces traductions est souvent dépréciée, que peuvent nous apprendre ces calques et transferts des pratiques de traduction ou encore de la matière traitée ? Le xvie siècle voit la théorisation de l’acte de traduire évoluer vers de nouvelles considérations : qu'en est-il de ce rapport latin/français dans les textes postérieurs et est-il fondamentalement différent de celui d’un Moyen Âge bilingue ?

On se souvient aussi que le latin est demeuré la langue du savoir et des sciences bien après  le Moyen Âge. La question de la référence au latin, par son emploi ou son rejet, rejoint-elle donc systématiquement un enjeu générique, voire littéraire ou encore social ? En effet, le latin s’impose souvent comme modèle rhétorique et culturel que les auteurs exploitent pour mieux affirmer un système de valeurs. Comment ces enjeux mettent-ils en forme et définissent les textes, dont le statut et le public peuvent varier selon la langue choisie, ou qui peuvent même mêler les deux ? Le latin, outil de création lexicale et d’affirmation d’une tradition, est-il un medium, une caution pour asseoir la légitimité ou l’excellence d’un domaine concerné, qu’il soit littéraire, philosophique, scientifique ou encore technique ? On peut ainsi constater aujourd'hui l'emploi du latin dans la mise au point des terminologies, où il est parfois concurrencé par la langue grecque. Le statut de ces deux langues sources est-il le même ? Qu'en est-il donc de leur rapport au sein de la langue française ?

Le latin, en se faisant canon ou stratégie, peut ainsi cristalliser des enjeux esthétiques et politiques variés, comme les récentes questions autour de son apprentissage ne sont pas sans nous le rappeler (Siouffi et Rey, 2016). Objet social, objet linguistique, le latin se doit d’être pensé, depuis la naissance du français, également parce qu’il est un objet familier, quotidien, capable aussi de diviser ceux qui le maitrisent et ceux qui le côtoient, à l’école, à l’église ou ailleurs.

 

Chaque proposition fera l’objet d’une communication de 20 minutes, suivie de 10 minutes de discussion. Les propositions d’intervention, ouvertes à une approche pluri-disciplinaire, doivent faire mention de votre université d’affiliation et de vos coordonnées, et doivent s’accompagner d’un résumé de 1000 mots tout au plus, auquel peuvent s’ajouter une bibliographie et des annexes.

Langues de communication : français et anglais.

Elles sont à envoyer à l’adresse suivante avant le 10 novembre 2017 :

placeetconsciencedulatin@gmail.com

 

Bibliographie indicative :

Berrendonner A., « Et si on remettait la grammaire aux régimes ? », Approches interlinguistiques de la compréhension verbale : quels savoirs pour l’enseignant ? Quels savoirs pour l’élève ?, M.-J. Béguelin, J.-F. de Pietro, A. Näf (éd.), Neuchâtel, Institut de Linguistique de l’Université de Neuchâtel, 2002, pp. 31-45.

Bury E. (éd.), Tous vos gens à latin. Le latin, langue savante, langue mondaine (XIVe-XVIIe siècles), Genève, Droz, 2005.

Carlier A. et Combettes B., « Typologie et catégorisation morphosyntaxique : du latin au français moderne », Langue française, n°187, Paris, Armand Colin, 2015, pp.15-58.

De Carvalho P., Nom et Déclinaison. Recherches morpho-syntaxiques sur le mode de représentation du nom en latin, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1985.

Gilliéron J., « Les conséquences d'une collision lexicale et la latinisation des mots français », Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, n°230, Paris, Champion, 1921, pp. 55-74.

Gougenheim G., « La relatinisation du vocabulaire français», Etudes de grammaire et de vocabulaire français, Paris, Picard, 1959.

Kuentz P., « Le modèle latin », Littérature, n°42, 1981, pp. 109-122.

Laurent R., Past participles from Latin to Romance, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 1999.

Le Briz S. et Veysseyre G., Approches du bilinguisme latin-français au Moyen Âge. Linguistique, codicologie, esthétique, Turhnout, Brepols, 2000.

Lodge A., Le français. Histoire d’un dialecte devenu langue, Paris, Fayard, 1997.

Loubère S. et Reguig D. (dir.), Penser l'héritage à l'âge classique, Paris, Honoré Champion, 2011.

Marchello-Nizia C., Grammaticalisation et changement linguistique, Bruxelles, De Boeck Superieur, 2006.

Marcotte S. et Silvi C., Latinum cedens. Le français et le latin langues de spécialité au Moyen Âge, Paris, Champion, 2014.

Rey A. et Siouffi G., De la nécessité du grec et du latin. Logique et génie, Paris, Flammarion, 2016.

Rey A., Duval F. et Siouffi G., Mille ans de langue française : histoire d’une passion, Paris, Perrin, 2007.

Soutet O., Études d'ancien et de moyen français, Paris, P.U.F., 1992.

Tran-Gervat Y.-M. (éd.), Traduire en français à l'âge classique : génie national et génie des langues, Paris, Presses de l'Université Sorbonne Nouvelle, 2013.

Tremblay F. A., Les Grammaires au Moyen Âge, Edwin Mellen Press, 1989.

Waquet F., Le Latin ou l’empire d’un signe (XVIe-XXe siècle), Paris, Albin Michel, 1998.