L’expression des sentiments dans la poésie féminine, date limite le 10 décembre 2015 (source: Fabula)

L’expression des sentiments dans la poésie féminine

Centre Interlangues  Texte, Image, Langage (EA 4182)

Journée d’étude – 1er avril 2016 - Dijon  

Dans le cadre de l’axe « Intime » et de sa réflexion sur le lien entre intime et contrainte, nous organisons une journée d’étude sur l’expression des sentiments dans la poésie féminine. Les sentiments sont des états affectifs, plus durables que les émotions, même si la distinction peut parfois être floue. Ils appartiennent à la sphère intime et relèvent de la capacité de chaque individu d’investir affectivement son rapport au monde extérieur. L’expression des sentiments est le fruit d’une négociation continuelle : en effet un individu exprime ou au contraire cache ses sentiments en fonction des circonstances.

Les modes d’expression des sentiments dépendent des individus mais également des contextes culturels et sociaux. Il existe une palette assez vaste d’états affectifs comprenant des réactions négatives voire agressives comme la colère, la haine, la rancune et le mépris, des sentiments de mal-être et de douleur comme le deuil, la culpabilité et la solitude ou encore des états positifs comme l’amitié et l’amour, y compris de Dieu.

Dans le champ littéraire, la poésie et notamment la poésie lyrique se charge souvent de manifester les sentiments. Ce n’est pas un hasard si, parmi les six fonctions du langage que distingue Roman Jakobson, il appelle « émotive » ou « expressive » la fonction relative à l’émetteur, en déclarant notamment que cette fonction serait dominante dans la poésie lyrique (JAKOBSON, Roman (1963), « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, p. 209-248). Bien que la catégorie du lyrisme soit complexe, on peut constater – sans s’aventurer dans des définitions théoriques ardues – qu’elle a souvent été associée par les critiques à la centralité du sujet et de ses états d’âme. Par ailleurs, il n’est pas anodin de remarquer qu’en poésie les sentiments sont paradoxalement exprimés dans des formes hautement codifiées.

Il nous semble intéressant d’explorer les liens entre expression d’un état intime et formes linguistiques contraignantes en faisant référence aux textes de femmes. Le féminin, dans l’histoire culturelle occidentale, a souvent été associé aux sentiments et plus généralement à la sphère irrationnelle en opposition à la raison et à la maîtrise de soi souvent rattachées au masculin. Il n’est pas rare par exemple que face à des vers écrits par des femmes et saisissants par leur contenu et leur perfection formelle les critiques, souvent masculins, utilisent l’adjectif « viril » pour souligner la qualité des textes. Certaines poétesses refusent quant à elles l’adjectif « féminin » jugé péjoratif car il indique implicitement des vers mièvres ou formellement imparfaits. Au contraire, d’autres auteures – notamment dans les années 1970 – ont parfois identifié dans l’expression de soi, même au détriment du travail formel, une spécificité féminine positive.

Dans le cadre de cette journée d’étude, nous nous proposons d’explorer de façon approfondie les liens existant entre poésie, expression des sentiments et genre féminin en privilégiant les analyses des textes poétiques, sans pour autant exclure les approches considérant les documents épistolaires – où les poétesses peuvent exprimer leur conception du travail poétique – ni faire l’impasse sur l’importance de l’étude des discours critiques sur l’expression des sentiments dans la poésie féminine. Les interventions pourront porter sur un corpus de textes de plusieurs poétesses ou bien sur l’oeuvre d’une seule auteure voire sur un seul poème.

Les communications pourront envisager trois grands types d’approches. Il serait d’abord souhaitable de dresser l’inventaire des sentiments exprimés dans la poésie écrite par des femmes et, en fonction des contextes, de voir comment ce choix reflète ou au contraire rompt avec les dynamiques culturelles et sociales existantes. Certes la langue n’est pas un outil neutre. La thématique amoureuse est par exemple fondamentale dans le code poétique. Mais comment une femme peut-elle écrire son amour pour un homme et s’inscrire dans une tradition lorsque cette dernière ne comprend que des modèles poétiques centrés sur un sujet poétique masculin et un objet du désir féminin ? Cette permutation des rôles et des positions n’entraîne-t-elle pas la nécessité de lectures particulières ? La palette des sentiments exprimés par les poétesses est sans doute plus vaste que ce qu’on a l’habitude de croire. Outre la passion amoureuse, il conviendra aussi de considérer l’attachement filial ou la relation amicale en accordant une place spécifique au possible déguisement des sentiments en réponse à la contrainte sociale. N’existe-t-il pas par ailleurs des poétesses qui s’autorisent à exprimer en poésie non pas un amour convenu, mais la colère, la haine, le mépris ou tout autre sentiment jugé par la société comme agressif et peu adapté aux femmes ?

Un deuxième angle d’approche consistera à étudier les stratégies souvent mises en oeuvre par les poétesses pour viser à l’expression de soi, tant sur le plan des thèmes abordés que sur le plan formel. On pourra s’interroger sur le souci de certaines femmes de s’en tenir à une sorte de poésie androgyne exprimant les joies, les peines et les indignations d’un individu face au monde qui l’entoure ou au contraire sur la préoccupation de certaines de leurs consoeurs de faire émerger un moi féminin en très nette opposition au lyrisme masculin. On pourra soulever aussi la question du rapport entre universalité des sentiments et particularité des discours sociaux. On pourra également se demander si, dans des contextes spécifiques, l’expression des sentiments en poésie n’a pas été considérée par certaines femmes comme un simple exercice d’écriture accompli avec détachement uniquement pour s’affirmer sur la scène littéraire.

Sur le plan des stratégies formelles, on étudiera les techniques linguistiques, stylistiques et métriques utilisées dans les textes poétiques. Dans quelle mesure les poétesses respectent ou bouleversent les conventions linguistiques ou stylistiques afin d’exprimer un sentiment ? Comment, dans leurs textes, s’articule le rapport entre dimension intime et codes formels ? La versification est-elle une contrainte qui entrave la libre expression des sentiments ou, au contraire, la rhétorique peut-elle être mise au service du dévoilement du moi, et notamment du moi d’une femme ? Les intervenants pourront présenter des études de cas afin de montrer comment la ponctuation, la répétition, le rythme ou toutes autres stratégies linguistiques expriment les sentiments.

Une troisième approche s’intéressera à l’image du féminin véhiculée par l’expression des sentiments dans les poèmes écrits par des femmes. On pourra s’efforcer de dresser une typologie des images du féminin au fil des époques et des genres poétiques illustrés par les femmes. On étudiera sous cet angle la réception de cette poésie du sentiment par l’ensemble des lecteurs ou des lectrices, par exemple dans les écrits intimes (correspondances et journaux intimes), mais aussi par les spécialistes de littérature dans la littérature critique, dans les journaux et revues littéraires, ou encore dans les histoires de la littérature et les manuels scolaires. On se demandera notamment si l’image née d’une première lecture est cohérente avec les discours critiques, ou au contraire si la comparaison entre textes poétiques et constructions idéologiques donne à voir une situation plus complexe.

La journée d’étude aura lieu le vendredi 1er avril 2016 à l’Université de Bourgogne (Dijon). La date limite pour l’envoi des propositions de communication est fixée au 10 décembre 2015. Les propositions de communication comprendront le nom et l’affiliation scientifique de l’auteur, une courte notice biographique, le titre de la communication ainsi qu’un résumé de 20 à 30 lignes (environ 2000 caractères) permettant de cerner la problématique, la méthodologie ainsi que les résultats escomptés. Elles seront envoyées par voie électronique à sylvie.marchenoir@u-bourgogne.fr  et  ambra.zorat@u-bourgogne.fr avant le 10 décembre 2015. La langue utilisée sera le français mais les communications pourront porter sur toutes les aires linguistiques et culturelles représentées à l’Université de Bourgogne, à savoir celles des langues allemande, anglaise, espagnole, française, italienne, portugaise et slaves. Du point de vue chronologique, les communications porteront sur la période allant du Moyen Âge à nos jours. Il sera ainsi possible de mieux étudier la variabilité des interactions entre poésie, sentiments et genre féminin.

Organisatrices : Sylvie Marchenoir (MCF Allemand) et Ambra Zorat (Prag Italien). Contacts : sylvie.marchenoir@u-bourgogne.fr et ambra.zorat@u-bourgogne.fr

Date limite d’envoi des propositions de communication : 10 décembre 2015. Retour aux auteurs : courant janvier 2016. Date de la journée d’étude : 1er avril 2016.

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Dijon