Apple à communication: Figures de l'inspiration dans la poésie française du XVIIe s.

Colloque international – Appel à communications

           Figures de l’inspiration dans la poésie française du XVIIe siècle

                                            18-20 avril 2018

                             Bruxelles / Louvain-la-Neuve (Belgique)

GEMCA - INCAL, Université Catholique de Louvain – TRAME, Université de Picardie Jules Verne

Propositions: le 12 septembre 2017

Ce colloque vise à encourager une réévaluation de la place de l’inspiration dans la poésie française du XVIIe siècle. Il considérera ce qu’a laissé dans l’ombre le constat d’un « crépuscule de l’enthousiasme » (M. Fumaroli) au XVIIe siècle, après le tournant malherbien. Cette vue, thématisée par la prédominance de l’« art » sur la « nature » dans l’exercice du poète, tend en effet à laisser de côté des figures de l’inspiration qui continuent de travailler l’héritage de la Renaissance. Des poètes religieux, d’André Mage de Fiefmelin à Madame Guyon en passant par Claude Hopil, Pierre de Croix, Martial de Brive, P. Le Moyne, J.-J. Surin ou Jean de Labadie, adaptent le cadre métaphysique de la fureur à une conception mystique de l’enthousiasme poétique ; de nombreux autres formulent des paraphrases plus ou moins libres des livres bibliques au titre d’une expérience chrétienne inspirée, alors que la révélation prophétique est close. Dans le domaine profane, le rôle dévolu à l’imagination (N. Negroni) ou à la mélancolie (C. Luccioni) dans le « génie » poétique concourt à façonner chez des auteurs comme Saint-Amant, Tristan L’Hermite ou Théophile de Viau une figure nouvelle du poète inspiré ; des théoriciens et des poètes comme Rapin ou Boileau intègrent enfin, à l’âge classique, l’inspiration comme ornement rhétorique dans le cadre d’une poétique maîtrisée. Dans le contexte d’un scepticisme grandissant à l’égard de l’influence des « esprits » sur l’homme et d’une régularisation institutionnelle et mondaine du discours versifié, de telles figures de l’inspiration continuent donc d’informer le discours poétique. Elles suggèrent la possibilité de dégager une histoire de la poésie inspirée au xviie siècle qui ne soit pas uniquement tributaire des grandes scansions du malherbisme ou du classicisme souvent mises en avant par les études sur la période. L’héritage, l’usage et le développement de ces figures – figures du poète inspiré tout autant que figurations dans le discours poétique de l’énonciation inspirée – constitueront les objets d’étude de ce colloque. Une large variété d’approches sera possible au sein des orientations suivantes :

1° La Renaissance en héritage

Il convient d’interroger en premier lieu le rapport que l’inspiration poétique du XVIIe siècle entretient avec les conceptions poétiques, religieuses et philosophiques qui ont favorisé son éclosion à la Renaissance. Par quels relais de lecture les figures de l’inspiration de la Renaissance se sont-elles transmises ? Comment les lieux communs et modèles de l’inspiration profanes et chrétiens dont hérite le xviie siècle sont-ils réarticulés ? Quelles généalogies intellectuelles ou poétiques se révèlent dans les écrits inspirés ?

2° Anthropologie de l’inspiration

L’inspiration suppose une disponibilité particulière du sujet poétique : l’énonciation inspirée procède d’une puissance dépassant la volonté propre de ce sujet, qui n’en maîtrise pas tout à fait la survenue ni les effets. Selon quelles conceptions anthropologiques, quelles topiques de l’âme et du corps, l’inspiration se dit-elle ? Quel rôle jouent des notions telles que la « nature », le « génie » ou la « fantaisie » dans l’énonciation inspirée ? Selon quels partages entre l’humain et le divin, la pathologie et la grâce, l’inspiration se comprend-elle ? Quelle place et quel sens sont donnés à des émotions comme la fureur, la langueur ou l’admiration dans ce processus ?

3o Sémiologie du discours inspiré

Le discours inspiré se signale par des traits formels et thématiques que nous voudrions voir ici précisés et expliqués. Quelles fonctions occupent les mythèmes (le Parnasse et l’Hélicon, Apollon et les Muses, etc.) et le vocabulaire (fureur, ardeur, transport, ravissement, etc.) traditionnellement mobilisés pour figurer l’inspiration ? Comment se manifeste stylistiquement la dimension expressive propre au discours inspiré ? Par quelles catégories rhétoriques (invention, disposition, élocution, action) l’inspiration peut-elle être appréhendée ? On s’interrogera d’autre part sur les catégories génériques qui sont privilégiées dans la poésie inspirée, comme nous y incite la valorisation de l’inspiration dans les poétiques restreintes de l’ode (Boileau) et du poème héroïque (Desmarets, P. Le Moyne). Le rôle de la musique dans cette poésie, que ce soit à l’état de référence ou dans sa réalité (comme dans le cas du contrafactum), mérite enfin d’être exploré.

4° Critique de l’inspiration

La poésie inspirée s’accompagne dès le XVIe siècle d’un discours de satire, dénonçant la place qu’y occupe la fable païenne (Passerat, par exemple, mais aussi certains poètes au nom de l’inspiration chrétienne). De façon plus marquée au XVIIe siècle, de telles critiques visent le discours inspiré tout comme la figure de l’inspiré ou de l’enthousiaste. À l’image de Madame Guyon durant la crise du quiétisme, l’inspiré devient une figure suspecte dans le domaine social et religieux, tout autant qu’un contre-modèle au regard de normes poétiques dominantes. Quelles lignes de fracture historique la critique de l’inspiration permet-elle de saisir au regard de définitions de normes d’acceptabilité littéraires, sociales ou religieuses ?

5o Sociohistoire de l’inspiration

Un certain Lortigue, soldat poète, s’interroge sur les compétences qui fondent sa paraphrase biblique (La Trompete spirituelle, 1605). Gatien de Morillon, bénédictin poète, s’interroge également sur la convenance de la poésie à la paraphrase biblique, tout en l’utilisant pour sa pastorale auprès de laïcs (Tobie, 1674). L’inspiration autorise finalement leurs deux projets. Peut-on interroger le statut social des rédacteurs – laïcs, religieux, hommes, femmes – qui usent d’une compétence poétique en la sacralisant par la notion d’inspiration ? Commenter leur rôle dans la pastorale ou l’institution lettrée ? Esquisser une géographie de l’inspiration ? Identifier des sociabilités, des médiations imprimées ?

 

Orientations bibliographiques

Clément, Michèle, « Poésie biblique et théorie poétique (1582-1629) », in Pascale Blum et Anne Mantero (dir.), Poésie et Bible de la Renaissance à l’âge classique. 1550-1680, Paris, H. Champion, 1999, p. 33-48.

Galland-Hallyn, Perrine et Hallyn, Fernand (dir.), Poétiques de la Renaissance. Le modèle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au xvie siècle, Genève, Droz, 2001.

Gimaret, Antoinette, « La prophétie dans les Théorèmes spirituels de Jean de La Ceppède », in Line Cottegnies, Claire Gheeraert-Graffeuille et al. (dir.), Les voix de Dieu. Littérature et prophétie en Angleterre et en France à l’âge baroque, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2008, p. 73-87.

Lecointe, Jean, L’idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genève, Droz, 1993.

Luccioni, Carine, Les rencontres d’Apollon et de Saturne, Paris, Classiques Garnier, 2012.

Mantero, Anne, La Muse théologienne. Poésie et théologie en France de 1629 à 1680, Berlin, Duncker & Humblot, 1995.

Rieu Josiane, in Hélène Baby et Josiane Rieu, « “Fureur non pas fureur mais doux eslancement”. Douceur et expérience mystique chez Pierre de Croix », in La douceur en littérature de l’Antiquité au xviie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 205-221.

Salazar, Philippe-Joseph Le culte de la voix au XVIIe siècle. Formes esthétiques de la parole à l’âge de l’imprimé, Paris, H. Champion, 1995.

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Les propositions en français (titre et résumé de 1 500 signes maximum, accompagnés d’une courte biobibliographie) seront à remettre pour le 12 septembre 2017 au plus tard.

Les propositions retenues seront annoncées à la mi-octobre 2017.

Les communications dureront 25 minutes et seront suivies d’une discussion.

La publication des actes sous le contrôle d'un comité de lecture est prévue.

 

Contacts :

Audrey Duru (TRAME, EA 4284) audrey.duru@u-picardie.fr

Clément Duyck (GEMCA - INCAL) clement.duyck@uclouvain.be

 

Comité d’organisation :

Manuel Couvreur (Université libre de Bruxelles)

Audrey Duru (Université de Picardie Jules Verne)

Clément Duyck (Université catholique de Louvain – Actions Marie Curie)

Agnès Guiderdoni (Université catholique de Louvain – FNRS)

 

Comité scientifique :

Manuel Couvreur, professeur à l’Université libre de Bruxelles

Marie-Madeleine Fragonard, professeure émérite à l’Université Sorbonne nouvelle – Paris 3

Julien Gœury, professeur à l’Université de Picardie Jules Verne

Agnès Guiderdoni, professeure à l’Université catholique de Louvain, maître de recherche du FNRS

Sophie Houdard, professeure à l’Université Sorbonne nouvelle – Paris 3

Guillaume Peureux, professeur à l’Université Paris-Nanterre

Anne-Pascale Pouey-Mounou, professeure à l’Université Paris-Sorbonne

Aline Smeesters, professeure à l’Université catholique de Louvain, chercheuse qualifiée du FNRS